Courte présentation de Claude Pinoteau :
Claude Pinoteau débute en tant
qu’assistant
réalisateur dans des films d’Henri Verneuil (Un singe en hivers)
et
Claude Lelouch (L’aventure, c’est l’aventure) entre
autres. Il réalise Le
Silencieux en 1973, puis fait de nouveau tourner Lino Ventura
dans La
Gifle, L’Homme en colère, et La
Septième Cible. Parmi ses
nombreuses réalisations, notons les deux volets de La Boum,
qui
connaissent un énorme succès populaire.
Voici la réponse de
Claude Pinoteau à la question "Pensez-vous qu'il serait
pertinent de réaliser des films dont les images auraient de multiples
rapports hauteur sur largeur ?" :
Monsieur
Sébastien Girard,
J’ai
visionné votre film. Je l’ai trouvé très explicite, très bien fait et
très
instruit sur les formats du cinéma.
Je suis
plus réservé sur l’exploitation d’une telle idée sur la fiction d’un
long métrage.
Le
caractère d’un film, son scénario, son style et ses décors extérieurs,
ont
jusqu’ici déterminé un seul format choisi.
La
réalisation doit, selon moi, pour captiver les spectateurs, ne pas les
distraire par des effets techniques trop évidents.
Quand
de spectaculaires mouvements de grue ou de travelling se voient, ne
sont
pas fondus dans une action qui les fait oublier, le spectateur n’est
plus dans
le film, mais dans une salle de cinéma.
Beaucoup
de réalisateurs ont voulu montrer leurs prouesses techniques au
détriment de l’histoire qu’ils devaient raconter.
(On
voit bien dans votre film l’effet produit par les changements de
formats.)
Dans
“Lola Montès“, Max Ophuls s’est essayé, pour très peu de plans, au
changement de format en cours de film, grâce à un système de rideaux
latéraux
installés sur la caméra et actionnés en direct sur le tournage. Cela
n’a pas
fait école, et Ophuls en a supprimé au montage.
Mais je
n’ai pas confisqué la vérité, et ne veux pas avoir d’attitude
“réactionnaire“ sur votre idée!
Je suis
pour ma part convaincu que de tels changements de formats en cours de
film, nuiraient à son homogénéité. (Outre, que chaque salle devrait
adopter une
fenêtre de projection permettant aux effets du film, de passer du 1,33
au
cinémascope par exemple).
Il
faudrait également au tournage, placer sur l’objectif de la caméra une
fenêtre adaptée au format chaque fois choisi, indiquer aux acteurs les
limites
du cadre etc.
D’où un
ralentissement du tournage et une gêne pour les acteurs.
Voilà
mon opinion.
Bien
cordialement.
Claude
Pinoteau
Voici ma réponse au texte de
Claude Pinoteau :
Bonjour,
Merci beaucoup pour
votre
réponse très intéressante.
Je suis bien d’accord
que
certains effets techniques peuvent sortir le spectateur du film pour le
ramener
dans la salle de cinéma.
Mais je pense que les
changements de valeurs de cadres peuvent être
utilisés de manière subtile, sans sortir le spectateur de l’histoire.
Certes, le film que je
vous ai envoyé n’est pas un bon exemple
de discrétion des changements de valeurs de cadres. Ceci est
normal :
je m’efforce tout au long du film de faire prendre conscience au
spectateur de
ces variations.
Ce qui me fait dire que
cela peut ne pas distraire, sont les réactions
des différents spectateurs à mon film de fin d’étude dans lequel j’ai
employé
de multiples valeurs de cadres.
Souvent, après la
projection, je leur ai demandé s’ils avaient remarqué
que chaque plan avait une valeur de cadre différente. La plupart du
temps, leur
réponse est : « Ah bon ? Non, pas
du tout ! »
Certains spectateurs
prévenus me disent après coup (à bien y réfléchir, c’est peut-être par
simple
gentillesse ?) : « Franchement, ça passe
comme une lettre à la
poste. »
Un fait marquant, me
semble-t-il, est la réaction du jury lors des projections de nos films
de fin
d’année. Après chaque projection, l’élève-réalisateur monte sur scène,
et
répond aux questions des 7 membres du jury. Chaque membre a évidemment
des
connaissances certaines en audio-visuel. C’est malgré tout uniquement
le
cinquième membre du jury, un monteur, qui a parlé de cette
hétérogénéité des
valeurs de cadres. Les quatre premiers membres, c’est à dire un
professeur de
sociologie, un ingénieur du son, un producteur et un réalisateur,
n’avaient pas
abordé le sujet. Si cela avait été très visible, je pense que le sujet
aurait
été abordé plus tôt.
Je suis d’accord que
l’utilisation de multiples valeurs de cadres ne favorisera pas
l’homogénéité
d’un film.
Mais le choix de
favoriser
l’hétérogénéité dans le traitement de certaines histoires me semble
pouvoir
être pertinent.
De plus, je pense qu’un
changement de scène, de décors ou de valeur de plan peut parfois
apporter
davantage d’hétérogénéité qu’un changement de valeur de cadre. Il est
facile
d’imaginer deux images très différentes ayant la même valeur de cadre,
et deux
images assez semblables ayant deux valeurs de cadres différentes. Dans
le
premier cas, la projection successive des deux images sera moins
homogène que
dans le second cas !
Toutes les opinions que je
viens d’exprimer sont mes opinions du moment. Tel que je me connais, il
se peut
fort bien que j’en change à force de discussions, même si je suis très
persuadé
de leur justesse aujourd’hui !
Merci encore du temps que
vous avez consacré à ce débat.
Cordialement.
Sébastien Girard.
Voici la réponse de Claude
Pinoteau à mes remarques :
Cher Monsieur,
Merci de votre réaction sur ma réponse concernant vos valeurs de cadres.
Je
souhaite que vous fassiez la synthèse de toutes les opinions. Mais une
opinion sur un court métrage ou un film de démonstration, n’est pas,
selon moi,
comparable à la durée d’un long métrage.
Bien
cordialement.
Claude
Pinoteau